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2010, installation vidéos, mediums mixtes, dispositifs lumineux et dessins muraux / vidéo

Travail de fossilisation d’empreintes gestaltiques, morphologiques et structurelles

Depuis quelques années, je réalise des installations qui mettent en relation plusieurs modes de représentations : photos, vidéos et artefacts (ready-made). Les techniques et les matériaux utilisés, étant de différentes natures, deviennent des voix multiples qui créent un sens plastique propre à la réalisation de concepts hybrides émergeant d’un questionnement sur la limite possible de l’interaction des divers champs esthétiques. C’est de l’interaction, de la mixité et de l’hybridité des différents modes de représentations qu’émerge le sens, chacun répondant aux nécessités de son langage. Comme si un langage était le prolongement de l’autre et ne pouvait se substituer à aucun autre. Ces langages nécessitent des lectures diverses allant du dicible au visible en passant par leur chiasme et leur entrelacs. Ils provoquent des allers retours constants entre sensation et cognition. Le spectateur se trouve en interaction constante avec l’œuvre, qui se transforme elle-même à travers les différentes perceptions qui la chargent d’un sens nouveau à chaque lecture.

Thématiques et univers

L’univers que j’ai exploré est d’ordre anthropologique. Les thématiques que j’ai privilégiées tournaient toujours autour de réflexions sur les origines et la finitude de l’être humain. J’ai donc exploré la mécanique du corps humain et particulièrement les écorchés, les squelettes et les momies. La réponse s’est présentée sous la figure de l’hybridité et, par extension, sous celle du monstre. Cette figure a drainé, dans une suite logique, la question des manipulations génétiques, les expériences de clonage et les greffes animale.

Cette démarche, qui se tourne autant vers le passé que vers l’avenir, a pour objet d’interroger notre condition actuelle d’êtres humains toujours en quête de connaissances passées et futures, toujours insatiable d’expérimentations nouvelles, aux prises avec une créativité débordant les seules questions de survie intellectuelle, psychique et affective. Par le biais de personnage fictif, mon travail interroge aussi la rhétorique des biotechnologies, les stratégies métaphoriques autant que les processus métamorphiques non naturels dans des lieux mouvants où l’eau, en tant que sol instable, devient le principal acteur.

Concepts formels

D’un point de vue formelle, ma démarche renvoie au concept de fluidité déjà exploré en peinture et en photo mais surtout avec la vidéo.

J’ai exploré le montage vidéo selon une esthétique du chaos, au moyen du logiciel Avid, c’est-à-dire que je mets en images une structure narrative pensée comme un montage cinématographique, en insistant sur les coupures rationnelles et irrationnelles produites parfois par des désynchronisations entre la parole et l’image et par des effets de chocs graphiques, de continuités-discontinuités étranges, créant un rythme producteur de sens. Le montage s’inscrit ainsi dans une esthétique conflictuelle. Depuis quelques années, j’y ajoute une autre dimension qui est celle de la fluidité où le travail de superposition d’images implique des effets d’effacement, d’effeuillement, de transparence et d’évanescence mais aussi des plages d’une dense pigmentation chromatique.

J’y intègre des reproductions ou photos, donc des plans immobiles que j’anime. Ainsi conçue selon le principe des multicouches, la vidéo présente des superpositions d’images dont je conserve des traces par un travail de fossilisation d’empreintes gestaltiques.Chaque couche est travaillée différemment, en accentuant par moment la transparence ou l’opacité, en dénaturant les couleurs par des transferts de pigments, en augmentant la texture, ou pixelisation, ou en la réduisant, en faisant ressortir les éclats et reflets lumineux, ou en les atténuant. Ce travail sur les nuances s’élabore dans le temps, dans la succession des images-mouvements, pour que la matière lumière donne l’impression de circuler dans une fluidité qui emporte les fissures et frisures de mon écriture fragmentaire avec ses catastrophes et ses ruptures d’univers. Par des mouvements latéraux qui aplanissent l’image, plutôt que de rendre l’effet de réel comme l’illusion en trois dimensions habituellement exploitée en vidéo ou en cinéma, je crée un espace fictif, un non-espace. Les configurations de stratifications et de fossilisations, que j’inscris dans la matière-lumière, renvoient certes à ma pratique poétique mais elles renforcent aussi, par inférences sémantiques, l’idée de revenance et de réminiscence accrue par les effets spectraux de certaines figures travaillées par des effets de solarisation, d’inversion, de polarisation, de contraste et de transparence. Ainsi, par un processus de figurabilité du flou, des figures spectrales apparaissent sur le fond des effets formels.