Les dieux sont ici nulle part (médiums mixtes)
Novembre 1996
Galerie UQAM

Dieux sont ici nulle part (détail), 1996, médiums mixtes

(détail)

Vue d’ensemble de l’installation Dieux sont ici nulle part, 1996, médiums mixtes

Vue d’ensemble de l’installation

Contact de plusieurs vue de l’installation Dieux sont ici nulle part, 1996, médiums mixtes

Contact de plusieurs vue de l’installation

Dieux sont ici nulle part (détail), 1996, médiums mixtes

(détail)

Dieux sont ici nulle part (détail), 1996, médiums mixtes

(détail)


Des revenants d’archéoptéryx cinglent les pages de géofilm d’une bible de 12 pieds de haut prise dans le rouage d’une encyclopédie de même hauteur.

Imaginons un instant les pages d’une encyclopédie faisant tourner celles d’une bible, immenses pales brassant la mémoire du monde : moulin à eau, moulin à mots. L’image surgie de ce rouage dé-présente le monde et en re-présente l’irréalité, en masque à jamais l’absence.

Les dieux sont ici nulle part se feuillette avec les yeux, ces mains virtuelles qui tournent dans l’air les pages d’espace où se déroule notre lecture du visible. L’installation se présente sous la forme de deux grands livres ouverts, de deux mètres de haut, qui tournent sur eux-mêmes en un mouvement perpétuel, celui de la vie et de la mort. Dessinant une sorte de rouage, les deux volumes s’agrippent l’un à l’autre, plan par plan, engrenage de papier fin où une multitude de voix fusionnent : d’une part des textes poétiques qui accompagnent la réalisation de l’œuvre et des dessins qui ponctuent le mouvement giratoire suggéré, d’autre part des textes théoriques et philosophiques issus de réflexions sur l’œuvre et l’art en général.

L’installation englobe la pensée poétique et scientifique dans une dialectique d’enrichissement mutuel, à l’image d’une bible et d’une encyclopédie, chacune étant la mémoire de l’autre, volumes vivants et infinis qu’on ne peut refermer parce qu’en continuelle mutation, sans origine ni fin, le signe et le référent s’y montrant en évolution constante.

Les dessins représentant des fragments d’écorchés ouvrent le corps (humain et animal) comme pour y faire une lecture à vif : le corps devient livre, où s’inscrit le mouvement d’une vie, d’une l’histoire, d’une « humanité », en une phénoménologie temporelle, continue et morcelée, qui s’exprime dans la mécanique même du squelette où se terrent nos origines.

La fragmentation des corps indique l’objet topique, l’icône, et métaphorise la pratique de l’analyse, de la vivisection des œuvres, le fusain se substituant au scalpel pour brouiller les pistes du sens par des lignes nerveuses qui hachurent l’espace taché de plages ocres.

Le film de polyester et le calque tranchent l’espace dans son volume : leurs plans lumineux, quasi transparents, accueillent sur leur surface les métaphores et les symboles, les icônes et les représentations mi-figuratives, mi-abstraites, qu’expriment les langages plastique, poétique et théorique en un processus qui va du perceptif au cognitif, du visuel au verbal, du syntaxique au sémantique. Ces langages nécessitent des lectures diverses, qui vont du visible au dicible en passant par leur chiasme et leur entrelacs, provoquant de la sorte des aller et retour constants entre sensation et cognition. L’œuvre en son entier est alors «objet de transit», se transformant à travers les différentes perceptions qui la chargent d’un sens nouveau à chaque lecture.

Imaginons un instant les pages d’une encyclopédie faisant tourner celles d’une bible, immenses pales brassant la mémoire du monde : moulin à eau, moulin à mots. L’image surgie de ce rouage dé-présente le monde et en re-présente l’irréalité, en masque à jamais l’absence.