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Devant l’état de renoncement, de résignation et d’inertie des peuples occidentaux désorientés et impuissants devant les grandes puissances et l’état chaotique de crise spirituelle du tiers-monde empêtré dans la misère. Devant cette scission, qui rompt le monde en deux. Devant les sociétés en deuil de sens au nord et insensées au sud qui s’enlisent peu à peu dans l’anéantissement du soi. Devant le vertige qui est au cœur de toutes les transactions humaines cognitives, affectives, inter-relationnelles  le vertige qui est au cœur du temps. Devant l’avenir brouillé qui recouvre nos yeux d’un brouillard où tout le monde se bat, lutte, se cache, aveuglé de trop de transparence. Devant le monde qui nous est devenu insignifiant, sinon insensé. L’art invite à se poser des questions, à se remettre en cause, à faire resurgir le monde pour soi tout comme Max Loreau semble proposer dans La genèse du phénomène en évoquant l’idée d’un autre commencement, ainsi de reprendre  contact avec le soi.

« Ce souci de soi exige un dépassement de soi, qu’il se connecte sur l’art ou le néant », nous dit Jean Deraemaeker, qui poursuit en écrivant «Nous sommes faits de ruptures, de cassures, de fractures, de fragments. Nous traînons avec nous une multitude de petits suicides ». Plus loin il précise : « Le style fragmentaire rend compte du souci de soi. Le style fragmentaire requiert une éthique du malaise et une politique de la particularité, loin des illusions tranquilles de l’Un et de l’Universel. L’écriture fragmentaire est aussi bien celle des commencements que des fins »[1].

« Commencement et fin » sont au cœur de mes préoccupations auxquelles se greffe la notion de transformation, de manipulation et de passage dans une exploration fragmentaire qui reconduit un passé personnel et des bribes d’histoire de l’art. je me rends compte aujourd’hui que c’est par une esthétique de la fluidité que mes différentes productions interrogent ce commencement et cette fin, l’origine et la mort, tantôt en dépeçant métaphoriquement le corps humain pour comprendre l’histoire des origines, tantôt en rhabillant le corps de chair pour en refaire l’histoire de l’humanité via la perceptions sensible. Peut-être comme Didi Huberman ou Warburg je cherche à remettre les fossiles en mouvements, c’est-à-dire à revivifier ces fossiles en tant que traces, empreintes survivances de passé , à redonner de la chair au discours.

Mes installations mettent en relation plusieurs modes de représentations : photos, vidéos et artefacts (ready-made) Les techniques et les matériaux utilisés, étant de différentes natures, deviennent des voix multiples qui créent un sens plastique propre à la réalisation de concepts hybrides émergeant d’un questionnement sur la limite possible de l’interaction des divers champs esthétiques. C’est de l’interaction, de la mixité et de l’hybridité des différents modes de représentations qu’émerge le sens, chacun répondant aux nécessités de son langage. Comme si un langage était le prolongement de l’autre et ne pouvait se substituer à aucun autre. Ces langages nécessitent des lectures diverses allant du dicible au visible en passant par leur chiasme et leur entrelacs. Ils provoquent des allers retours constants entre sensation et cognition. Le spectateur se trouve en interaction constante avec l’œuvre, qui se transforme elle-même à travers les différentes perceptions qui la chargent d’un sens nouveau à chaque lecture.

 

En général, l’univers que j’ai exploré est d’ordre anthropologique. La question des origines du monde, de la civilisation et, bien sûr, de l’art, fait partie de mes préoccupations à travers un parcours qui s’exprime dans la représentation de la mécanique même du corps où se terrent nos origines. Nous verrons que les figures de l’écorché, du fossile et de l’être hybride sont récurrentes dans ma pratique. Cette démarche, qui semble tourner vers le passé, a paradoxalement pour objet d’interroger notre condition actuelle d’êtres humains toujours en quête de connaissances passées et futures, toujours insatiable d’expérimentations nouvelles, au prise avec une créativité débordant les seules questions de survie intellectuelle, psychique et affective.


[1]Le souci de rien. Doutes et démêlés, Bruxelles, La lettre volée, 1993) Jean Deraemaeker p 31 et 37