Le Crache-Cœur 2, 1995, Centre du Gésù, fusain, sanguine, acrylique sur géofilm, 240cm/120cm x 6

Le Crache-Cœur 1, 1995, f Centre du Gésù, fusain, sanguine, laque sur géofilm, bois, néons (boîtier), 220cm/80cm/50cm x 2

Le Crache-Cœur 3, 1995, Centre du Gésù, encre sur Arche, 50/ cm x 35 cm

 

  •  Le Crache-Cœur 2, 1995, Centre du Gésù, fusain, sanguine, acrylique sur géofilm, 240cm/120cm x 6
  •  Le Crache-Cœur 1, 1995, f Centre du Gésù, fusain, sanguine, laque sur géofilm, bois, néons (boîtier), 220cm/80cm/50cm x 2
  • Le Crache-Cœur 3, 1995, Centre du Gésù, encre sur Arche, 50/ cm x 35 cm

Le dessin

Ce souci de communiquer tant par la forme que par le contenu répond d’un désir de symbiose entre les plans plastique et iconique de l’image. Celle-ci appartenant au champ phénoménologique de la perception visuelle dépend de codifications et de procédés rhétoriques. Sa signification s’élabore ainsi à partir de l’organisation de la perception et de la reconnaisance des choses représentées par analogie avec cette perception. C’est par cette articulation entre plasticité et iconicité que s’élabore le sens. Je précise: l’iconicité c’est l’identification des éléments de l’image et la plasticité est de l’ordre de la perception des formes, des couleurs, de la texture et de la composition de l’image.

Ce que je cherche donc à faire c’est de rendre, par la ligne, la tache, le geste, la couleur, l’intensité chromatique et la composition, la charge émotive et énergétique du sujet même ou, pour être plus précise, de l’icône. C’est-à-dire que la façon de traiter ou de représenter le sujet doit contribuer à l’exprimer. Le plan de l’expression et le plan du contenu s’imbriquant donc pour exprimer une idée qui n’est pas seulement le sujet représenté. Par exemple dans ces dessins de corps, on peut reconnaître l’icône: un fragment de corps écorché ; la plasticité c’est la manière dont il est traité et composé. Le sens ou l’interprétation peut être une métaphore de la vie ou de la mort , ou encore du temps inexorable et irréversible qui agit sur l’humain, ou bien même le lieu de l’âme qui se terre dans les moindres vaisseaux et cavités du corps. Voilà par exemple tout ce que je cherche à exprimer qui guide le faire, c’est-à-dire la manière.

À cela s’ajoutent des préoccupations d’ordre plastique — comment rendre l’énergie, par exemple: par le mouvement, par la lumière, par le rythme des formes ou des couleurs, par l’opacité, la transparence, par une ligne continue, hachurée? etc. Les choix sont multiples, il faut cependant respecter ce qui nous est propre : notre “manière” personnelle, et pousser toujours plus loin les limites que l’on s’impose tout en respectant certaines contraintes qui permettent d’approfondir un champ déterminé.

À mesure de l’élaboration du dessin, les éléments se transforment et contiennent donc plusieurs moments, plusieurs mouvements, car c’est de cette façon que mon œil les capte. En une même seconde, plusieurs mouvements et passages de la lumière peuvent être perçus, tel que les impressionnistes ont essayé de le reproduire. Pour ma part il s’agit plus d’émotions liées à une conscience de la survie, de la répétition, de la finitude ou de l’éternité cosmique que d’impressions.

Mes dessins s’élaborent à partir de taches colorées et de lignes ou traces de fusain qui cherchent à cerner tout en laissant échapper les formes. Toute impression de réalité est ainsi évacuée.

La couleur est utilisée comme un élément de lumière. Elle est source de lumière, de toute façon la couleur n’existe que par la lumière. Elle aplanit la surface tout en creusant le relief même si elle ne participe pas aux formes. Elle est tache abstraite qui éclaire en créant texture et fluidité. Cette dichotomie entre abstraction et figuration sur un même plan tend à affirmer la bi-dimensionnalité de l’objet, ici le dessin, afin de permettre une lecture évacuant toute interprétation narrative ou anecdotique liée à toute représentation tri-dimensionnelle — ce qui m’éloigne des expressionnistes.

Les taches sont à l’encre et à l’acrylique, le dessin au fusain. Deux manières, deux techniques, qui unissent lumière et mouvement, interagissant elles-mêmes: la tache est mouvante et le trait lumineux, le fusain est tributaire du geste, nerveux et fluide, appuyé et léger, il participe à tout ce qui concerne la lumière, le mouvement et la texture. Les deux manières se complètent et s’accentuent, renforçant le mouvement de vie. La tache qui semblerait figer la forme est forme en mouvement. Le trait divisant l’espace     est aussi lumière et tache sinon ombre quand il s’efface. La tache est direction qui glisse entre les formes, aucun contour ne l’enserre. Le trait hachuré laisse passer le vide et la lumière.

Ici aussi comme dans les dessins de corps circule le vide dans l’amalgame des taches et des lignes. Le vide est indispensable au mouvement et à la lumière. Un dessin qui bouche le vide arrête le temps et ne participe qu’au monde matériel. Il exprime une idée du monde en se fermant au monde ; s’opposant au réel, cette idée devient plus néantisante que le vide représenté ; arrêter le temps pour peindre la lumière c’est peindre une lumière interne qui n’a rien à voir avec le monde externe. Par ce double procédé de taches abstraites et de formes figuratives j’essaie d’exprimer l’univers interne et externe du monde sans arrêter le temps.